Judah Leib Gordon
- My Old New Land
- 26 mai
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1830 - 1892.
Né en Lituanie, alors sous domination de l’Empire russe, Judah Leib Gordon fut l’un des poètes hébraïques les plus influents de son temps. Figure majeure de la Haskala (les Lumières juives), il s’illustra par sa plume engagée et son opposition farouche à l’establishment rabbinique.

Dès son plus jeune âge, Gordon étudia la Torah auprès des plus grands érudits. Élève brillant, il mémorisa des centaines de pages du Talmud.
À 17 ans, il s’ouvrit à la culture européenne et aux langues occidentales.
Diplômé à 22 ans, il débuta sa carrière d’enseignant en 1853. C’est au cours des vingt années suivantes, en parallèle de son métier, qu’il produisit l’essentiel de son œuvre littéraire : poèmes, fables satiriques, récits polémiques, tous au service de la renaissance de la langue hébraïque.
S’il dénonçait l’antisémitisme et les discriminations envers les Juifs, Gordon critiquait aussi vigoureusement les travers internes de la société juive, notamment son conservatisme religieux.
En 1865, il devint directeur de l’école publique hébraïque de Telz (Lituanie), où il fonda également une école pour filles. Il abandonna l’enseignement en 1872 pour s’installer à Saint-Pétersbourg, où il occupa un poste de secrétaire auprès de la communauté juive et de la Société pour la promotion de la culture parmi les Juifs de Russie.
Mais en 1879, il fut emprisonné pour des accusations d’activités anti-tsaristes. Blanchi l’année suivante, il reprit ses activités à Saint-Pétersbourg et devint rédacteur en chef du journal hébraïque Ha-Melits. Sous divers pseudonymes, il y publia des éditoriaux, des chroniques, des critiques littéraires et des récits.
Son œuvre peut être divisée en deux périodes : une première, marquée par une poésie romantique à thème biblique ; une seconde, par une poésie satirique et engagée, orientée vers les débats publics. Gordon rejetait à la fois l’extrémisme religieux et l’assimilation totale, qu’il voyait comme un reniement de l’identité juive.
Son poème intitulé "Hakitza Ami" ("Réveille toi, Mon Peuple", disponible en hébreu ici) est une excellente illustration de la deuxième période.
"Hakitza Ami", écrit en 1866, constitue un manifeste de la Haskala. Il y appelle les Juifs à s’intégrer pleinement dans la société européenne moderne, tout en préservant leur identité. Cela s’inscrit dans les évolutions sociales et philosophiques de l’époque. Le vers suivant, tiré de la dixième strophe, en est un excellent exemple.
"הֱיֵה אָדָם בְּצֵאתְךָ וִיהוּדִי בְּאָהֳלֶךָ"
“Sois un Juif dans ta tente, et un être humain dans la rue”
Ce vers, devenu slogan de la Haskala dans la seconde moitié du XIXe siècle, synthétise l’idéal d’un équilibre entre intégration citoyenne et fidélité à son héritage. Le Juif n’a d’autre choix que de devenir un citoyen naturalisé de son pays européen d’adoption. Il doit s’instruire, apprendre la langue locale et s’intégrer à l’économie afin d’être un citoyen jouissant de droits et de devoirs égaux. Toutefois, il ne doit pas oublier son héritage et son identité juifs.
Cependant, le poème suscita de vives critiques à sa parution.
En effet, Gordon n’adhérait pas au mouvement Hovevei Zion (Les Amants de Sion) et doutait de la viabilité d’une solution nationale en Terre d’Israël. Il ne croyait pas en la possibilité d’y établir à court terme un refuge sûr pour les Juifs, et redoutait même une prise de pouvoir religieuse sur un futur foyer national. Il encourageait plutôt l’émigration vers l’Amérique.
Il mourut à Saint-Pétersbourg en 1892. Peu avant sa mort, il écrivit une lettre posthume dans laquelle il déclara avoir changé d’avis et souhaitait désormais participer à l’effort collectif en faveur de l’établissement juif en Terre d’Israël.
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Sources:
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