Israël, une start-up spirituelle
- The Ohr Torah Interfaith Center
- 29 juil.
- 4 min de lecture
Par le Rav Dr Aharon Ariel Lavi
“Ce n'est ni par la puissance ni par la force, mais c'est par mon esprit, dit l'Éternel des armées.” - Zacharie 4:6
Depuis des décennies, Israël est célébré comme la “Start-up Nation”, symbole d’entrepreneuriat, d’innovation et de réussite technologique. Un désert transformé en oasis numérique, une économie high-tech devenue un modèle de résilience et de croissance. Ce surnom est mérité.
Mais il ne raconte qu’une partie de l’histoire.
Sous les couches de code et du capital, circule une autre dynamique, tout aussi puissante : Israël est aussi une start-up spirituelle. Un lieu où les idées anciennes sont mises à l’épreuve dans le laboratoire du monde moderne. Une société qui, en temps réel, tente de comprendre comment la tradition peut inspirer la justice, comment l’Alliance peut structurer la communauté, et comment l’identité religieuse peut devenir un levier - plutôt qu’un frein - à la coopération mondiale.
Ce n’est pas une théorie abstraite. Je le constate chaque jour dans mon travail au Centre interreligieux Ohr Torah (OTIC), où nous tissons des liens entre Juifs, Musulmans, Chrétiens et Druzes. Ces relations ne sont pas de simples vœux pieux : elles se construisent par un apprentissage commun, des missions partagées et des échanges enracinés. Dans une région où la religion est souvent source de division, nous croyons qu’elle peut aussi devenir un moteur de transformation.
C’est là le rôle des start-up spirituelles : réinventer les vérités anciennes pour mieux servir l’humanité d’aujourd’hui.
Retrouver la foi comme catalyseur
La start-up spirituelle commence par une proposition contre-culturelle : la foi n’est pas le problème, mais le potentiel. On entend souvent dire que la religion est source de conflits ou, pire encore, que c’est une religion mal interprétée qui alimente la violence. Pourtant, au Moyen-Orient, la religion reste aussi l’endroit où l’on cherche du sens, une communauté et une vision morale. Dans l’ensemble, les sociétés moyen-orientales sont bien plus religieuses que celles de l’Occident et, bien que l’intérêt puisse décliner, elles n’ont jamais rompu totalement leur lien avec la religion. La véritable question n’est donc pas de savoir si la religion doit être impliquée, mais comment.
Au Ohr Torah Interfaith Center, nous embrassons cette réalité. À Jérusalem, notre événement Bridges of Light a rassemblé rabbins, cheikhs et imams, non pas en dépit de leurs croyances, mais grâce à elles. En partenariat avec des leaders musulmans marocains, nous avons réuni Juifs, Musulmans et Chrétiens autour du thème des relations interreligieuses durables. Comme je l’ai récemment affirmé à Londres : tant que nous crierons sur nos ennemis, nous ne pourrons entendre nos alliés. Il est temps d’investir dans ceux qui tendent la main.
“Ouvrez-Moi une porte de Téchouva comme le chas d’une aiguille et Je vous ouvrirai une porte dans laquelle des charrettes et des carrosses pourront entrer ” (Midrash Chir Hachirim Rabba 5, 3)
C’est cela, l’économie de la confiance. Il ne s’agit pas de rallier tout le monde, mais d’identifier ceux qui sont prêts, et d’investir en eux.
Une nouvelle diplomatie pour Israël
Cette démarche exige une autre forme de diplomatie. Au-delà des ministères des Affaires étrangères, il est temps d’intégrer les ministères de la foi à notre stratégie d’influence. Il ne s’agit pas de sommets ponctuels, mais de rencontres continues, de programmes qui créent des liens personnels durables. La tradition juive regorge de récits de dialogue : Abraham et les trois étrangers, Jacob et Ésaü, Moïse et Jéthro, le roi Salomon et Hiram de Tyr, la vision d’Isaïe voyant les nations converger vers Jérusalem. Notre peuple sait mettre la foi au service de la réconciliation, de la guérison et de la paix.
Les prophètes ont rêvé de ce moment. Mais on ne peut pas en déléguer la réalisation à l’histoire ou à la providence. Il faut le construire - pierre après pierre, lien après lien. Israël, redevenu nation souveraine, est particulièrement bien placé pour mener cet effort. Ce n’est ni notre taille, ni notre richesse, mais notre expérience historique d’une minorité morale porteuse d’une mission universelle qui nous en donne la légitimité.
De la résilience à la pertinence
Le peuple juif a survécu grâce à sa résilience. Comme mentionné plus haut, c’est peut-être précisément cette qualité qui nous a valu à juste titre le surnom de « Start-up Nation ». Mais il est désormais temps de passer de la survie au service, d’un état d’esprit diasporique à une conscience de peuple. De montrer que notre histoire, loin d’être un récit isolé de souffrance, peut offrir au monde en crise des outils pour se reconstruire.
Il ne s’agit ni de s’excuser, ni de s’assimiler. Il s’agit d’accomplir une mission : « vous serez pour moi une dynastie de pontifes et une nation sainte » (Exode 19:6)
Être un peuple prêtre implique deux choses : affirmer sa foi sans crainte, et créer des passerelles pour que d’autres accèdent à leur propre dignité spirituelle. C’est ce que nous faisons, par exemple, avec le Jewish-Muslim Religious Fraternity Project, cofondé par notre Centre Interreligieux. Ce programme s’appuie sur des valeurs communes aux deux traditions pour tisser de vraies alliances, basées sur la confiance et l’action. Il ne s’agit plus de déclarations de principe, mais d’un processus structuré pour faire passer notre diplomatie spirituelle à l’échelle supérieure.
Retour au garage
Chaque start-up naît dans un garage - avec une idée et une poignée de croyants. La start-up spirituelle d’Israël a commencé dans le désert, avec une voix qui disait : « Choisis la vie ». Nous avons les outils. Nous avons les partenaires. Nous avons le moment.
À nous de faire grandir la mission.
Article rédigé par Rav Dr. Aharon Ariel Lavi
Directeur Exécutif du Ohr Torah Interfaith Center (site)
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