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Un cœur qui relie : Jérusalem, Acheinu et la promesse d’une fraternité judéo-musulmane

par Rav Dr. Yakov Nagen


Jérusalem, un seul mot : connexion. Ses pierres s’élèvent vers le ciel. Les pèlerins se tendent la main. Les prières, dans une multitude de langues, montent vers Celui qui les entend toutes. En ces temps de douleur et de peur, la ville murmure encore l’invitation qu’elle répète depuis des générations : Approche-toi. D’abord de Dieu. Puis des autres.


Au-delà du dialogue : une œuvre d’âme. À Jérusalem, le dialogue interreligieux dépasse toute stratégie de communication. C’est une œuvre d’âme, profonde et exigeante. Ici, chaque geste, si discret soit-il, porte le poids de l’histoire. Quand un rabbin et un imam partagent un texte, ce ne sont jamais seulement deux hommes autour d’une table. Quand un prêtre accueille un cercle d’étude, ce n’est pas un simple acte d’hospitalité.


Chaque rencontre résonne des mémoires d’amour et de rivalité, de douleur et d’espérance. Cette résonance peut submerger - ou bien approfondir. Ce qui transforme l’expérience, c’est la kavanah, l’intention. Lorsque nous entrons dans la rencontre avec la volonté de reconnaître en l’autre l’image de Dieu, les échos deviennent une chambre où la sainteté se rassemble.


Acheinu, encore et toujours

Dans les moments de crise, nous, Juifs, récitons Acheinu kol beit Israël ("Nos frères, toute la Maison d'Israël") : nous rassemblons notre peuple sous l’abri de la prière et implorons la miséricorde. Je ne peux pas mettre cela de côté. Acheinu est le cri de la famille.


Pourtant, cette année, j’ai senti ce mot s’élargir - non pour diluer notre identité, mais parce que l’alliance nous tire vers l’extérieur. Lorsque des voisins musulmans, chrétiens ou druzes souffrent avec nous et sauvent avec nous, lorsque leurs joies et leurs peines se mêlent aux nôtres, le langage familial s’étend de lui-même. Il devient promesse plutôt que frontière.


Il y a deux ans, deux cousins de la ville bédouine de Rahat nous ont rappelé le prix de cette promesse. Tous deux s’appelaient Youssef. L’un a foncé vers le massacre de Nova pour sauver des vies ; l’autre a été enlevé avec ses enfants. Youssef et son fils adolescent ont été assassinés. Une seule famille. Deux destins. Une même histoire, traversée d’ombres insoutenables et de courage éclatant. Quand je pense à la fraternité, je vois leurs noms. Acheinu peut aussi porter cela : la prière ne se rétrécit pas quand la compassion s’élargit.


La sainteté de Jérusalem, c’est la connexion

Le prophète Isaïe (56:7) nous a déjà tracé la carte :

"Ma maison sera une maison de prière pour tous les peuples."

Ces mots ne sont pas un slogan, mais une mission. À Jérusalem, la sainteté consiste à rassembler la sainteté. Quand nous nous accueillons mutuellement dans nos sanctuaires avec respect, quand nous étudions la Torah à côté du Coran et de l’Évangile, quand nous nous tenons ensemble dans les lieux de douleur et repartons le cœur plus doux, la ville respire plus librement. Nous ne supprimons pas la différence : nous apprenons à la porter sans peur.


La fête de Souccot me rappelle toujours l’architecture intérieure de ce travail. Sous un toit fragile, nous réunissons les différentes parts de l’être: l’âme intime en quête de Dieu, le peuple qui nous donne mémoire et mission, et la grande famille humaine qui appelle à la reconnaissance et au soin.


La joie naît quand ces voix s’accordent - et cette même harmonie guide la vie interreligieuse. Si je viens seulement en universaliste, j’ai perdu la mélodie; si je viens seulement en être tribal, je l’ai perdue aussi. Jérusalem invite à une voix plus entière.


Ce qu’est le véritable dialogue

Le vrai dialogue repose sur une écoute d’alliance : il commence avec des textes et des visages. Apporte tes sources. Apporte ton histoire. Assieds-toi auprès des miennes. Reste à travers les paragraphes et les souvenirs difficiles. Le but n’est pas d’être brillant, mais digne de confiance. La confiance naît là où nous refusons de caricaturer l’autre et où nous laissons notre propre tradition s’exprimer dans sa force et sa bonté.


J’ai vu cette confiance se tisser autour de tables où rabbins, imams et prêtres suivent la voie de la havruta :nous argumentons avec soin, nous ralentissons mutuellement, nous poussons, puis nous faisons pause. Je l’ai vue aussi dans des rencontres à Rahat, à Nazareth, dans la Vieille Ville ou à Yad Vashem. La présence est une discipline, la révérence aussi. Elles s’apprennent dans la pratique - et, lorsqu’elles s’apprennent ensemble, la théologie devient une main tendue plutôt qu’un poing fermé.


Trouver la force pour continuer

Ce travail est exigeant. Le traumatisme est réel, la méfiance souvent tenace. Les vents politiques nous poussent parfois dans des coins où la conversation semble impossible. Ces jours-là, je reviens à des pratiques simples et sûres :étudier ensemble, respirer trois fois en silence avant de parler, se rendre visite dans la joie comme dans le deuil, rassembler les jeunes pour créer et servir. Ce ne sont pas de petites choses : c’est l’échafaudage d’un avenir commun.

Étudier ensemble. Respirer trois fois avant de parler. Se visiter dans la joie et la peine.

Reconnaissance. Relation. Responsabilité. Voilà l’échelle. Enseignons des textes qui autorisent le respect et la coopération. Multiplions les cercles réguliers de rabbins, d’éducateurs et de prêtres qui continuent à se rencontrer même quand les manchettes hurlent. Relions l’étude à l’action, pour qu’une page lue le mardi devienne un repas livré le vendredi ou une visite rendue le dimanche. Bâtissons des réseaux durables, au-delà d’une année ou d’une génération. Racontons les histoires avec honnêteté y compris celles qui font mal.


La ville nous donnera la force. L’alliance de fraternité nous donnera la direction. Les voisins qui nous rejoignent nous donneront le courage. Jérusalem restera synonyme de connexion aussi longtemps que nous franchirons ses portes avec des âmes ouvertes et des mains prêtes à agir. Que la maison s’élargisse assez pour accueillir les prières de tous, et reste assez solide pour nous porter quand nous chancelerons. Puissions-nous élargir Acheinu avec sagesse. Souvenons-nous : la famille n’est pas seulement le sang. La famille, c’est l’alliance.


Article rédigé par Rav Dr. Yakov Nagen

Directeur du Ohr Torah Interfaith Center et du Blickle Institute (site)

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