Peki'in : une fenêtre sur le nord d’Israël
- Jordan Kastrinsky
- 30 mai
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 juil.
Introduction
Peki’in, charmant village niché dans le nord d’Israël, incarne toute la richesse culturelle de la région. Connu en hébreu sous le nom de Peki'in (פקיעין), ce village est remarquable par la diversité de sa population : Juifs, Druzes, Chrétiens et Musulmans y cohabitent. Son histoire millénaire en fait un lieu hautement symbolique pour plusieurs communautés et un témoin privilégié d’événements majeurs qui ont façonné son identité singulière.
Origines de Peki'in
Le nom "Peki’in" viendrait du mot héb treu "פקיעה", signifiant "ouverture" ou "fente", une référence probable aux caractéristiques géographiques du village, avec ses sources naturelles et ses vallées ouvertes. Situé à la jonction entre la Haute et la Basse Galilée, les archives historiques indiquent que Pékin a été habitée en permanence depuis l'Antiquité.
Durant la période du Second Temple, selon des chroniques juives, Peki’in aurait été le foyer de Tannaïm, des sages ayant contribué à la rédaction de la Michna. Des découvertes archéologiques comme des bas-reliefs ornés de symboles juifs de l’époque romaine tardive, ainsi que des documents attestant de la présence d’ouvriers agricoles juifs, confirment cette présence ancienne.
De plus, des auteurs juifs comme l’historien Flavius Josèphe mentionnent la ville, et d'importants textes religieux, dont le Midrash Kohelet Rabbah, relatent la vie des habitants de Peki’in et leurs activités agricoles.
Durant les époques romaine et byzantine, Peki’in devint un refuge pour les sages juifs fuyant les persécutions. Son isolement et ses ressources naturelles en faisaient un sanctuaire idéal pour préserver la vie juive. La tradition rapporte qu’un célèbre sage, Rabbi Shimon Bar Yohaï, s’y serait caché avec son fils pendant treize ans pour échapper aux autorités romaines. La grotte qui les aurait abrités est aujourd’hui un lieu de pèlerinage en l’honneur de ses écrits kabbalistiques, notamment le Zohar.
La présence juive à Peki’in remonte à des temps anciens et s’est maintenue malgré les vicissitudes de l’histoire. La famille Zinati, par exemple, affirme y avoir résidé sans interruption depuis plus de 2 000 ans, descendant de prêtres (Kohanim) ayant fui Jérusalem après sa destruction par les Romains.
De plus, l'ancienne synagogue de Peki'in, restaurée aux XIXe et XXe siècles, témoigne de la pérennité de l'héritage juif du village. Ornée d'inscriptions et de symboles de différentes périodes historiques, cette synagogue, avec son architecture unique et ses sculptures anciennes, offre un lien tangible avec le passé du village. Des légendes suggèrent même que des pierres du Second Temple auraient été utilisées pour sa construction, symbolisant les liens historiques profonds entre Peki'in et son identité juive.
Influence des Druzes, Chrétiens et Musulmans
Les Druzes
Les Druzes, une minorité religieuse issue de l’islam chiite, cohabitent avec les Juifs à Peki’in depuis l’époque mamelouke (XIIIe siècle), comme le rapporte le géographe Shams al-Din al-Dimashqi. Aujourd’hui majoritaires dans le village, les Druzes y préservent leurs traditions à travers des événements culturels et la sauvegarde de sites historiques. Parmi eux figure le sanctuaire du Nabi Sabalan, un lieu de pèlerinage important pour les Druzes de la région. Par ailleurs, les traditions religieuses et les valeurs communautaires druzes ont profondément influencé le village, favorisant un esprit de coexistence et de respect mutuel. De plus, Peki’in est l'un des rares endroits en Israël où les traditions et pratiques druzes ont été soigneusement préservées, notamment leurs coutumes religieuses et leurs structures communautaires uniques.
Les Chrétiens
Pékin bénéficie également d'une présence chrétienne notable, qui enrichit sa diversité culturelle depuis le XIIe siècle. Récemment, cependant, de nombreux chrétiens se sont installés dans un village voisin. Le village abrite toujours l'église Saint-Georges, une église grecque orthodoxe qui sert de lieu de culte et de rassemblement communautaire pour la population chrétienne locale. Ce brassage de différents groupes religieux a favorisé un environnement culturel unique, caractérisé par le respect et la compréhension mutuels.
Les Musulmans
L’influence musulmane se reflète dans l’architecture, la cuisine et la vie quotidienne de Peki’in. La conquête islamique au VIIe siècle a introduit de nouvelles dynamiques culturelles, tout en maintenant la centralité juive du village. Ce n’est qu’au XIe siècle que des familles musulmanes s’y sont installées en nombre, apportant avec elles la langue arabe, des maisons traditionnelles, des marchés et des habitudes culinaires encore visibles aujourd’hui. Même les Juifs de la région, appelés Mustarrabim ( signifiant juifs arabisés), ont adopté certains de ces usages, comme le montrent diverses sources rabbiniques. Malgré le déclin démographique de la communauté musulmane, des traces comme le tombeau du cheikh Fadel et une mosquée témoignent de leur passage.
Peki'in à l'époque moderne
Durant la période ottomane, Peki’in a connu la coexistence de Juifs, de Druzes, de Chrétiens et de Musulmans, chacun contribuant à la richesse culturelle du village. Cette époque était également marquée par une prospérité économique, avec une agriculture et un artisanat florissants. Cependant, au fil du temps, la population juive, qui avait été le moteur de la vie de la ville depuis l'Antiquité, a diminué pour ne plus compter que quelques familles. De plus, au début du XXe siècle, avec l'augmentation de l'immigration juive et l'émergence d'un État, des troubles ont commencé à s'installer dans la ville.
Des événements marquants, comme le massacre d'Hébron de 1929 et la révolte arabe de 1936, ont marqué la ville, provoquant un exode massif des familles juives restantes, par crainte des gangs arabes et des représailles. Malgré cela, le village a su préserver son caractère multireligieux et multiethnique malgré les conflits plus vastes qui sévissent dans la région. Des efforts constants visent à préserver ce tissu culturel unique, grâce à des initiatives favorisant la compréhension et le respect mutuels entre les différentes communautés.
Renouveau culturel et économique
Aujourd’hui, Peki’in attire de nombreux visiteurs grâce à ses sites historiques, tels que l’ancienne synagogue ou les sources naturelles. L’économie locale repose sur le tourisme, l’agriculture et l’artisanat, notamment la production d’huile d’olive et de fruits renommés dans la région.
Des projets valorisent l’héritage du village, comme le festival annuel de la récolte des olives, qui rassemble toutes les communautés autour des traditions agricoles.
De plus, les efforts visant à restaurer et à entretenir les sites historiques, tels que la grotte de Rabbi Shimon Bar Yochai, soulignent l'engagement à préserver l'héritage culturel unique de Peki’in. Les projets culturels et les visites éducatives mettent en valeur la riche histoire et le patrimoine diversifié de Pékin, garantissant ainsi la pérennité de l'héritage de coexistence et d'échanges culturels.
Peki’in est aujourd’hui un exemple vivant du patrimoine culturel diversifié d'Israël, reflétant la riche mosaïque de traditions juives, druzes, chrétiennes et musulmanes qui ont façonné son histoire..
Article écrit par Jordan Kastrinsky (@jnkast)
Managing Partner - Global Upscale
Specialist du monde arabe - Arab Anthropology
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